Nous sommes le dimanche 8 mai et il fait très beau. Il est convenu que si le temps le permet, je conduise le tracteur dans sa patrie d’origine. Nous sommes invités à déjeuner chez son propriétaire.
Tout est prêt de la veille et je pars de chez moi à 10 h précis. Je pense arriver entre 12 h et 12 h 30 ce qui correspond à la fin de la cérémonie commémorative et l’apéritif qui s’en suit. Mon frère est chef des pompiers et ne peut assurer l’escorte donc je dois me débrouiller seul. J’ai une caisse pleine d’outils et une sangle pour me faire tracter au cas où. Un GPS pour contrôler la vitesse et un rétroviseur à ventouse sur l’aile pour surveiller les arrières.
Les premiers kilomètres me semblent longs et au bout d’une ½ heure, je ne suis qu’à 9 km de chez moi ce qui est logique à 18 km/h. Puis de villages en villages, j’arrive à mi-chemin et décide de faire une pause pour voir si tout va bien et me dégourdir les jambes. Je n’ai pas trop mal au dos mais on ne peut pas allonger les jambes donc je trouve que de se mettre debout au volant est très agréable.
Je me gare au centre d’un village mais préfère ne pas stopper le moteur. J’ouvre les capots pour surveiller d’éventuelles fuites mais rien de grave à part le raccord d’essence à l’entrée du carburateur que je resserre. Un passant m’interpelle et nous faisons la causette. Il me félicite pour le travail puis je reprends la route.
A 10 km de l’arrivée, mon frère vient au-devant de moi. Je me dis qu’il va vouloir conduire mais non, il passe devant pour m’escorter.
Nous voyons enfin le clocher du village et je commence à me dire que le voyage se termine et que si j’avais encore un bout de chemin à faire, cela ne me dérangerait pas. L’entrée se fait sans changement de chauffeur donc je vais le mener au bout comme j’avais prévu.
Le tracteur revoit une vielle connaissance qui ne connaîtra sans doute jamais une restauration. Ils se sont certainement croisés souvent sur les chemins ces deux-là.
Je stationne sur la place du village pour la présentation officielle. Tout le monde sort pour voir et pendant ce temps, l’organisation en profite pour débarrasser et ranger l’apéritif. Dommage, j’aurais bien mérité une récompense.
Je remonte au volant pour aller déjeuner et rencontre le couple qui occupe la ferme familiale depuis peu. Nous décidons de reprendre place au pied de l’escalier pour refaire la photo identique à celle d’époque avec notre maman et notre grand-mère. Il y a eu un peu de changement mais il s’est passé 58 ans entre les deux clichés.
Nous déjeunons avec le tracteur en décor et mon frère est comme un gamin avec son jouet. En fin d’après-midi, il décide de faire un tour et de le conduire dans son garage pour le montrer aux clients et au personnel qui a suivi les travaux à distance. Nous le plaçons entre deux tracteurs exposés et il fait tout petit comme un jouet posé là.
On peut imaginer qu’il a été exposé neuf là il y a 68 ans.